Les Selk'nam vivaient dans la Grande Île ; c'étaient, avec les Tehuelches,
les plus grands indiens d'Amérique, avec 1,80m de taille moyenne, et leur force physique impressionnait
leurs visiteurs européens(au 17ème siècle, la taille moyenne en Europe ne devait
pas dépasser 1,65m), comme leurs voisins indiens, qui les craignaient.
C'étaient essentiellement des chasseurs, nomades, et occasionnellement des pêcheurs en eau douce. Ils pouvaient aussi partager une baleine échouée sur une plage avec les yamana, faisant la paix avec les yamana pour cette occasion, profitant ainsi de la graisse de cet animal. Le guanaco constituait leur source carnée principale, mais ils chassaient aussi des rongeurs et des oiseaux. Ils vivaient également de cueillette de fruits et de champignons.
Leur arme était l'arc, lequel, en plus d'être adroit demandait de la force, étant
donné les dimensions de l'arc.
Lucas E.Briges raconte la finesse de leurs coutumes sociales : "Quand ils dépeçaient
un guanaco, les Onas partageaient généralement l'animal en six morceaux pour en faciliter le transport.
Cette fois là, Tamimeoat découpa l'animal en autant de morceaux qu'il et avait d'hommes, et il donna
sa part à chacun. A chaque fois, le bénéficiaire était le seul à ne monter aucun
intérêt au partage ; il faisait semblant d'arranger le feu o de s'enlever les mocassins, ou regardait
dans le vide, jusqu'à ce qu'un autre membre du groupe lui fasse remarquer le cadeau reçu ; alors
seulement il le prenait, presque sans le regarder, et sans monter le moindre plaisir, le déposait à
ses côtés.
Talimeoat et Kaichin ne s'étaient pas réservé le moindre morceau, ni même la poitrine,
qui était toujours considérée comme le morceau du chasseur. Un moment après, certains
de ceux qui avaient, peut-être volontairement, reçu une plus grosse portion que les autres, la partageaient
avec les heureux chasseurs. Ainsi était chez les indiens Onas le mode correct de répartition de la
viande dans de telles circonstances..."
Bien que nomades, la Grande île avait été partagée en 39 régions, délimitées par des cours d'eau, des pierres, des arbres, ... districts transmis de père en fils, une 'famille ona' vivant sur ce territoire pouvait atteindre 120 individus. Ce partage instituait une sorte de propriété, et les différentes tribus n'allaient pas chasser hors de leur district : sauf pour faire la guerre, ou avec un cérémonial très précis (ou des joutes réparatrices).
Lucas E.Briges : "Les Onas n'avaient pas de chefs ni héréditaires, ni électifs,
mais les hommes qui surpassaient les autres par leur habilité, devenaient de fait presque toujours les dirigeants.
Cependant, le chef d'un jour ne l'était pas forcément le lendemain, car ils pouvaient en changer
en fonction d'un objectif particulier, en fonction duquel ils désignaient alors celui qui convenait le mieux.
Leur catégorie sociale a été parfaitement définie plus tard par le Kankoat :
Un scientifique nous visita une fois dans cette région, et en réponse aux questions qu'il me faisait,
je lui répondais que les onas n'avaient pas de chefs, selon le sens que nous donnons à ce mot. Comme
il ne me croyait pas, j'ai appelé Kankoat, qui parlait alors assez bien l'espagnol. En réponse à
la question que lui fit le visiteur, Kankoat trop poli pour répondre par la négative, lui dit :
'Oui, monsieur, nous avons des chefs : tous les hommes sont capitaines et toutes les femmes sont des marins.'
Ils ne connaissaient pas la discipline. Pourtant, le plus impitoyable, le plus fort, physiquement ou intellectuellement,
pouvait dominer toute la communauté. "
Lucas Bridges , par cette anecdote, nous montre la sensibilité de ces Onas : "Talimeoat et moi contemplions longuement et en silence les soixante cinq kilomètres de forêts qui s'étendaient le long du lac Kami (lac Fagnano), teintés des couleurs d'un magnifique crépuscule. Je savais qu'il cherchait à voir un signe de fumée qui signalerait le campement d'amis ou d'ennemis. Puis il vint s'asseoir à mes côtés et oublia sa surveillance et même ma propre présence. Sentant la fraîcheur de la soirée, j'allais lui proposer que nous nous mettions en marche, quand il poussa un profond soupir et dit, pour lui-même, d'une voix feutrée, et avec l'intonation que seul un Ona peut exprimer : 'Yak haruin ! (¡Ma terre!)'."
Lucas E.Briges, avec son humour british, raconte cette anecdote si comique : "Un des onas
s'absentait fréquemment et pour de longues périodes pour travailler dans l'île Picton. Lors
d'une de ses absences, sa femme mit au monde un enfant à la peau claire, aux cheveux blonds et aux yeux
bleus (qu'il soit bien clair que mes yeux sont marrons, et qu'à cette époque mes cheveux étaient
aussi noirs que ceux d'un ona). Je me demandais, perplexe, ce que dirait l'indien en voyant cet étrange
rejeton.
L'indien revint de l'île Picton comme prévu, et un ou deux jours après son retour, il vint
me rendre visite pour me demander une savonnette, pas de celle du modèle habituel, sinon un savon magique,
couleur de verre foncé et en forme d'œuf d'oie des montagnes. Au début, je ne compris pas de quoi
il voulait parler ; mais il m'expliqua de bonne foi que pendant son absence sa femme avait accouché
d'un garçon brun comme tous les enfants onas, mais quand il l'avait connu sa peau et ses cheveux avaient
extraordinairement éclairci. A ses questions à propos de cette incroyable transformation, sa femme,
appuyée par le témoignage d'une des deux sages-femmes, attribue ce miracle à la savonnette
que lui avait donné ma sœur Alicia. Elle lui dit aussi qu'un peu de savon lui était entré
dans les yeux, qui étaient devenu immédiatement bleus comme le ciel. Le père, tout fier, et
impressionné par cette merveille était alors venu demander un autre savonnette. "
A propos de l'éducation des enfants, Lucas Bridges raconte : "Quand
un bébé, apparemment en bonne santé, n'arrêtait pas de pleurer, la mère montrait
des signes d'impatience, et pouvait lui crier longuement dans les oreilles. Généralement, l'enfant
cessait alors de pleurer. [...]
Quand un enfant avait soif, la mère, pour lui éviter la sensation d'eau gelée, la tiédissait
dans sa bouche avant de la laisser couler dans celle de son petit enfant."
"Les enfants étaient généralement traités avec affection par tout le monde, et
très estimés de leurs parents. Et, bien que ces gens là ne s'embrassent jamais, j'ai déjà
vu des hommes approcher leurs lèvres des corps de leurs petits enfants.
Quand les hommes se faisaient vieux pour aller à la chasse, ils pouvaient toujours compter sur leurs fils
pour les défendre et répondre à leurs besoins. S'il était toujours possible de trouver
une autre épouse, il n'était pas facile de remplacer ses enfants."
"L'indien ona ne se préoccupait pas de sa manière de se vêtir ; pour lui, la seule raison d'avoir honte serait montrer un corps déformé ou obèse ; ce qui prouverait que c'est un glouton, et que, comme probablement il n'était pas un chasseur, c'était sa femme qui devait lui donner à manger, des poissons [...] Le chasseur doit être maigre et ne pas trop manger car il deviendrait paresseux tandis que ses femmes doivent être grasses (signe qu'il est un chasseur digne de respect)"
La polygamie était commune, mais c'était rare qu'un homme ait plus de deux femmes, ce qui était
considéré avec un mélange d'envie et de moquerie.
Mythe du perroquet, des saisons : "Les perroquets Kerrhprrh, descendants
de Kamshoat, sont des oiseaux bruyants qui signalent par leurs cris le passage furtif du chasseur à travers
la forêt, ou se moquent de la difficulté qu'éprouvait un ona à un passage difficile.
Autrefois, les arbres étaient toujours verts, et ne perdaient leurs feuilles qu'à leur mort. Kamshoat
était alors un initié : il n'était plus un telken (un enfant), mais un klokten
(initié). Le temps vint pour lui de faire une de ces tournées solitaires qu'on exige des novices.
Kamshoat resta si longtemps absent que les siens le croyaient mort, aussi sont-ils tout étonnés de
le revoir un jour.
Il n'a pas beaucoup changé, mais il parle trop pour un klokten qui doit se taire et réfléchir.
Il raconta qu'il a visité un merveilleux pays très loin dans le nord, avec des forêts immenses
dont les arbres perdent leurs feuilles en automnes et meurent, puis les voient revivre avec des feuilles repoussées
vertes au printemps. Évidemment personne ne le croit, car une fois qu'un arbre est mort, rien ne peut lui
rendre la vie, et tout le monde se moque de lui et le traite de menteur. Fou de rage, Kamshoat s'en va, mais cette
fois pour longtemps. Il revient transformé en un immense perroquet, avec des plumes vertes sur le dos, et
rouges sur la poitrine, exactement comme celles de ses descendants. C'est alors l'automne, et Kamshoat vole d'arbre
en arbre, dans ces forêts toujours vertes, peignant les feuilles en rouge, avec la peinture de sa poitrine.
Ces feuilles tombèrent rapidement, et les gens prirent peur. Les rôles étaient inversés :
c'était au tour de Kamshoat de se moquer. Il leur annonça qu'au printemps les arbres renaîtraient,
alors tout le monde se sentit de nouveau heureux. Kamshoat, à cause de son cri, fut nommé Kerrhprrh."
quelques mots selk'nam :
Soleil : Kré / kran Lune : Kréen / krä Nuit : Kauk'n Jour : Kerren Homme : C'ón / Chohn Femme : Naa / Nah |
Un : Sós Deux : Sôki Trois : Sauki Quatre : Koni-sôki Cinq : Kismarey |
Photos : (clique sur la photo pour l'agrandir)